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ment il le fit délivrer ; mais ce fut à condition qu’il prêcheroit plus sagement. Il remonte donc en chaire ; mais de sa vie il n’a été si empêché : il avoit si peur de dire quelque chose qui ne fût pas bien, qu’il ne dit rien qui vaille, et il fut contraint de finir assez brusquement. Il étoit bon religieux et fort suivi par toutes sortes de gens : par quelques-uns pour rire, et par le reste à cause qu’il les touchoit. Effectivement, il avoit du talent pour la prédication. On fait plusieurs contes de lui dont j’ai recueilli les meilleurs.

Il disoit que « Christophe pensa jeter le petit Jésus dans l’eau, tant il le trouvoit pesant ; mais on ne sauroit noyer qui a été pendu. »

Prêchant un carême à Saint-André-des-Arcs, il se plaignoit toujours que les dames venoient trop tard. « Quand on vous vient réveiller, leur disoit-il : « Mon Dieu, dites-vous, quelle misère de se lever si matin ! » Vous disputez avec votre chevet. « Une telle, dites-vous à votre fille-de-chambre, je gage que la cloche n’a pas sonné ; vous êtes toujours si hâtée ! il n’est point si tard que vous dites. » Hé ! si j’étois là, ajoutoit-il, que je vous ferois bien lever le cul ! »

Parlant de saint Luc, il disoit « que c’étoit le peintre de la Reine-mère, à meilleur titre que Rubens, qui a peint la galerie du Luxembourg ; car il est le peintre de la Reine mère de Dieu. »

Il prêchoit sur ces paroles : J’ai acheté une métairie, je m’en vais la voir. « Vous êtes un sot ! dit-il, vous la deviez aller voir avant que de l’acheter. »

À la fête de la Madeleine, il se mit à décrire les galants de la Madeleine ; il les habilla à la mode :