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mais il ne savoit quel nom lui donner : il ne vouloit pas que le nom de ballet y entrât, et après y avoir bien rêvé, il prit la qualité d’intendant des plaisirs nocturnes. Par cette raison il voulut se formaliser de ce que Desmarets avoit fait le dessin du ballet qui fut dansé au mariage du duc d’Enghien[1].

Pour les habits, ç’a toujours été le plus extravagant homme du monde après M. Des Yveteaux, et le plus vain. J’ai ouï dire à Le Pailleur, qu’étant allé chez Porchères, il y a bien trente-cinq ans, il aperçut, en entrant dans sa chambre, un valet qui mettoit plusieurs pièces à des chaussons. Il le trouva au lit ; mais le poète avoit eu le loisir de mettre sa belle chemisette et son beau bonnet ; car si personne ne le venoit voir, il n’en avoit qu’une toute rapetassée, et ne se servoit que d’un bonnet gras et d’une vieille robe-de-chambre toute à lambeaux, dont il se couvroit la nuit. Il demanda à Le Pailleur permission de se lever, et avec sa bonne robe-de-chambre il se met auprès du feu. « Mon valet-de-chambre, car il l’appeloit ainsi, apportez-moi, dit-il, un tel habit, mon pourpoint de fleurs. Non, mon habit de satin. — Monsieur, quel temps fait-il. — Il ne fait ni beau ni laid ? — Il ne faut donc pas un habit pesant ; attendez. » Le valet, fait au badinage, apporte cinq ou six paires d’habits qui avoient tous passé plus de deux fois par les mains du détacheur et du fripier, et lui dit : « Tenez, prenez lequel vous voudrez. » Il fut une heure avant que de conclure. Ce pourpoint de fleurs étoit un vieux pourpoint de cuir tout gras, et ce satin étoit un satin à

  1. Au mariage du grand Condé. Il eut lieu le 11 février 1641.