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en avoit bien moins. Il dit qu’il est un fou gaillard, mais que son frère le président étoit un fou mélancolique. C’est un assez plaisant robin.

Le président voulut marier son fils de bonne heure ; on chercha les meilleurs partis. Ils jetèrent les yeux sur mademoiselle Fieubet, et il y consentit, lui, qui avoit tant pesté contre les gens qui voloient le Roi[1]. Il fit une bizarrerie pour les articles. La mère, de son côté, après qu’un ban fut jeté, envoya défendre au curé de Saint-Paul de jeter les autres, et cela, pour je ne sais quelle bagatelle dont elle n’étoit pas satisfaite dans les articles. Cela se raccommoda pourtant. Le jour des noces de son fils, le président demandoit si un point de Venise, qui avoit coûté deux mille livres, coûtoit bien dix écus, et on lui fit accroire qu’il y avoit bien pour huit livres dix sols de ruban d’argent à un habit où il y en avoit pour cent écus.

Deux ans après, condamné par tous les médecins, et ayant reçu l’extrême-onction, il lui vint en fantaisie que s’il alloit à Bourbon, il guériroit comme il guérit il y avoit dix ans : c’étoit au mois de mars. Il fait acheter secrètement un bonnet et un justaucorps fourré, des bassins, une seringue, etc., et commanda que son carrosse fut prêt pour le lendemain matin. Son valet-de-chambre en avertit sa femme et son fils. « Dites-lui, dirent-ils, que le carrosse est rompu, et qu’il y a un cheval boiteux. » Cela ne servit qu’à faire donner sur les oreilles au valet-de-chambre. Il part : la femme et le fils le suivirent. Dès Essonne[2] le voilà plus mal que

  1. Fieubet étoit d’une origine de finance.
  2. Bourg à six lieues de Paris.