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femme, et puis redescendit. Il le suit tout doucement : il voit un carrosse à la porte, et peu de temps après sa femme y monter toute seule ; le laquais retourne, et le carrosse va tout seul ; il monte derrière. On va aux Tuileries ; il la voit entrer seule ; il entre après, la suit de loin : elle trouve ensuite mademoiselle de Longueville et plusieurs femmes avec des violons ; elle ne les évite point ; elle se tient avec elles et ne témoigne aucune inquiétude. Elle part en même temps, et retourne au logis, le mari à la place des laquais. Le lendemain il lui dit qu’elle étoit folle, et qu’elle jouoit à se perdre de réputation. « Monsieur, je voulois rêver en liberté. » Il crut depuis qu’il y avoit plus d’imprudence que de crime ; mais la vérité est que la conduite de la bonne dame étoit pitoyable.

Elle fit amitié vers ce temps-là avec madame de Bois-Dauphin, fille du président de Barentin[1]. Il en étoit jaloux, et une fois il leur offrit de leur faire mettre des draps blancs. Lui cependant devint amoureux de madame de Boudarnaut, une femme fort décriée ; et pour faire que les autres femmes la souffrissent, il faisoit de grandes fêtes et avoit gagné madame de Monglat ; ce n’étoit pas grande conquête. Pour faire qu’elle y en entraînât d’autres, il obligea un jour sa femme d’en être : la partie étoit de manger à Brunoy, à quatre lieues d’ici ; c’est une terre à elle : elle ne voulut jamais se mettre à table. Une autre fois qu’ils y étoient avec madame de Rieux, leur belle-sœur, il lui prit je ne sais

  1. Marguerite de Barentin, femme d’Urbain de Laval, marquis de Bois-Dauphin. Elle étoit veuve du marquis de Courtenvaux ; elle a vécu jusqu’en 1704.