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que Liancourt, répondit qu’il n’y avoit point de belles prisons. Son père, le comte de Lannoi, avoit fait bâtir une petite maison derrière le jardin de l’hôtel de Liancourt, et il avoit une porte pour y entrer ; de sorte qu’il étoit quasi toujours chez sa fille, et il s’aperçut de bonne heure qu’elle s’engageoit avec Vardes. Ils se voyoient chez madame de Guébriant, tante de Vardes. On dit qu’il trouva des lettres comme de personnes qui s’étoient donné la foi, et que cela le fit résoudre à enlever sa fille une belle nuit avec quarante chevau-légers. Il est constant que Vardes la devoit enlever le lendemain. Le chevalier de Rivière disoit plaisamment : « Le bonhomme croit avoir enlevé madame de La Roche-Guyon, et il a enlevé madame de Vardes. »

Vardes disoit qu’il n’avoit point de dessein pour madame de La Roche-Guyon, et que M. le comte de Lannoi pouvoit bien emmener sa fille où il lui plairoit sans faire tout ce vacarme. Bientôt après elle fut mariée à Liancourt avec le prince d’Harcourt, fils aîné de M. d’Elbeuf. Dès que Vardes vit que cette affaire s’avançoit, il alla trouver Jarzé, alors cornette des chevau-légers, et lui dit qu’il le venoit prier de le servir en une affaire ; mais qu’avant que de lui dire ce que c’étoit, il vouloit qu’il lui promît de le servir à sa mode. Jarzé en fit grande difficulté : mais Vardes lui ayant représenté qu’un homme d’honneur ne pouvoit demander que des choses dans la bienséance, il le lui promit. « Allez-vous-en donc, je vous prie, trouver le prince d’Harcourt avec mon frère Moret, et lui dites, de ma part, que je m’étonne fort qu’un homme de sa condition se soit mis à rechercher une femme