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Quand madame de Liancourt vit son fils en âge d’aller à l’armée, quoiqu’elle l’aimât uniquement, elle ne marchanda point et le donna au maréchal de Gassion, afin qu’il apprît le métier sous lui ; on l’appeloit le comte de La Roche-Guyon. J’ai ouï dire que le maréchal en prenoit un soin tout particulier, et qu’il le faisoit appeler toutes les fois qu’il croyoit qu’on verroit quelque belle occasion. On le maria avec une héritière très-riche, fille du comte de Lannoi, gouverneur de Montreuil en Picardie ; il étoit petit, mais bien fait. Elle étoit jolie. Ils ne firent pas bon ménage. Il s’étoit jeté dans cette cabale garçaillère et libertine de M. le Prince[1], et il méprisoit un peu trop sa femme : et elle ne l’aimoit point. M. de Brissac, peut-être pour venger son père, la cajola dès le temps du mari. Le comte de Lannoi la surprit une fois avec un poulet qu’elle avala. Depuis, on la garde étroitement.

Il fut tué au second siége de Mardick[2], deux ans après son mariage. Il avoit eu une fille qui vit encore[3]. Dès avant cela, on dit que madame de La Roche-Guyon, comme quelqu’un lui disoit qu’elle devoit être bien aise de passer l’été en un si beau lieu

  1. Henri de Bourbon, père du grand Condé. (Voyez son article précédemment, t. 2, p. 180.)
  2. Le 6 août 1646.
  3. Jeanne Charlotte Du Plessis Liancourt, fille du comte de La Roche-Guyon, épousa le 13 décembre 1659 François, septième du nom, duc de La Rochefoucauld, fils de l’auteur des Maximes, et elle mourut le 30 septembre 1669. C’est pour elle que madame de Liancourt, son aïeule, écrivit l’ouvrage dont nous avons rapporté le titre, note 3 de la page 160 du tome second.