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ret. Par une rencontre bizarre, elle fut démariée, et son frère, un M. de Schomberg, épousa une personne démariée d’avec M. de Candale.

Comme nous avons dit ailleurs, M. de Liancourt acheta l’hôtel de Bouillon dans la rue de Seine bien cher ; c’étoit une belle maison. Elle le fit jeter à bas pour bâtir l’hôtel de Liancourt d’aujourd’hui qu’elle n’achevera peut-être jamais[1]. À Liancourt, elle a fait tout ce qu’on pouvoit faire de beau pour des eaux, pour des allées et pour des prairies : tous les ans elle y ajoute quelque nouvelle beauté. Quand madame d’Aiguillon y fut, elle lui fit une galanterie assez plaisante. Elle fit couvrir une grande table de ces fruits qui sont beaux, mais dont on ne sauroit manger, et de compotes de ces mêmes fruits avec des biscuits et des massepains d’amandes amères. Personne n’y mit la dent qui ne crachât aussitôt. Elle empêcha madame d’Aiguillon d’y toucher ; et, après avoir un peu ri des autres, elle mena tout le monde dans une autre salle où il y avoit une bonne et véritable collation. Cela me fait souvenir d’un conte que j’ai ouï faire. Un garçon qui passoit pour fort avare, perdit une collation contre des femmes ; il les convie : elles y viennent, et ne voyant que des boyaux, elles se mettent à le vouloir battre. Il fut dans une autre chambre ; elles le suivent, mais elles furent bien surprises d’y trouver une collation magnifique.

  1. Cet hôtel portoit de nos jours le nom de La Rochefoucauld ; il avoit son entrée sur la rue de Seine, et ses jardins se prolongeoient jusqu’à la rue des Petits-Augustins. Il a été abattu en 1824, et la rue des Beaux-Arts a été construite sur ce terrain.