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ter. Je vous conjure donc d’oublier tout ce que vous avez vu, et de vous conformer à tout ce que vous verrez. »

Cette jeune femme, de quelque côté qu’elle tournât, ne pouvoit manquer de prendre le bon chemin. Elle n’y faillit pas ; aussi son mari l’ennuya bientôt. Il est vrai que c’étoit un ridicule homme, et qui avoit l’âme aussi basse que sa mère : ajoutez qu’elle aimoit à chopiner. La première chose qui éclata, ce fut je ne sais quel rendez-vous à Montleu avec Bullion ; mais M. de Bullion, son père, lui défendit de continuer. Le prince de Harcourt ensuite fit autrement de bruit, et elle ne s’en cachoit pas trop ; et sans son frère Tremblay, le maître des requêtes, qui le découvrit, elle se faisoit enlever par son galant. Elle le fit tenir lui ou un autre trois semaines durant dans une métairie comme un paysan, afin qu’il la pût voir tous les jours sans que le mari s’en doutât. Un jour, chez M. du Vigean, on apporta un poulet de sa part à Roquelaure : le voilà aussitôt à en faire parade. On vint dire à un autre homme de la cour, qui y étoit aussi, qu’un petit page le demandoit : c’étoit un poulet de la même. Il le montra aussi pour rabattre le caquet à l’autre. On disoit qu’elle contoit toujours toute sa vie à son dernier galant, et qu’il savoit toutes les aventures de ses prédécesseurs. Après, elle se mit dans un couvent, ne pouvant, disoit-elle, demeurer à la campagne avec son mari. La belle-mère vient à mourir, elle sort du couvent. Je me souviens d’une lettre qu’écrivit Maintenon à une de ses sœurs avec laquelle il étoit mal : il y avoit pour tout potage : « Ma sœur, ma mère est morte ; ne parlons plus de rien. De Gredin, à six lieues de Loches, à l’ensei-