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médit avec feu M. d’Épernon. Un jour, comme elle étoit à Metz, elle s’avisa, elle qui n’avoit point accoutumé d’en user ainsi, d’aller prendre congé de madame la princesse de Conti. L’autre lui demanda où elle alloit : « Je m’en vais, lui dit-elle, trouver M. d’Épernon. — Vous, madame ! répondit la princesse, et qu’avez-vous à démêler avec M. d’Épernon ? — C’est, madame, reprit-elle, qu’il m’a priée d’aller régler sa maison. » Une autre fois, comme on dansoit un ballet au Petit-Bourbon[1], et qu’il y avoit un grand désordre à la porte, on ouït cette femme crier à haute voix : « Soldats des gardes, frappez ! tuez ! je vous en ferai avouer par votre colonel en toutes choses. » Elle le prenoit de ce ton-là ; et, sous ombre que M. d’Épernon, durant les brouilleries de la Reine-mère, l’avoit peut-être employée à quelque bagatelle, elle vouloit qu’on crût qu’il ne s’étoit rien fait en France où elle n’eût eu bonne part. Un jour elle alla au Palais à la boutique d’un libraire qui est à un des piliers de la grand’salle, et, en présence de bon nombre d’avocats, elle demanda le tome du Mercure François de ce temps-là : elle regarda à l’endroit où elle s’imaginoit être ; et, ne s’y étant point trouvée, elle dit en jetant le livre : « Il a menti ! Si je lui eusse donné de l’argent, il n’eût pas mis un autre à ma place. »

Pour son malheur elle avoit eu une grand’mère de la maison de Courtenay ; ces Courtenay prétendent être princes du sang : cela l’acheva de rendre insup-

  1. Voir tome I, p. 51, note 2.