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tenan[1]. Ce fut alors qu’il fit le petit tyran avec autant d’impunité que si c’eût été dans la Bigorre. Un avocat du parlement, nommé Chandellier[2], avoit une maison entre Mantes et Meulan ; Coustenan, une belle nuit, vint enlever tous les arbres fruitiers de cet homme. L’avocat fait informer, et en vouloit tirer raison à quelque prix que ce fût. Des personnes de condition se voulurent mêler d’accommoder cette affaire, et M. de La Frette, capitaine des gardes de M. d’Orléans, fut trouver Chandellier, et lui représenta que puisqu’aussi bien le mal étoit fait, il lui conseilloit de s’accommoder ; qu’après tout il avoit affaire à un homme de qualité. « De qualité ! dit l’avocat en l’interrompant ; s’il est homme de qualité, je suis du bois dont on fait les chanceliers de France. » La Frette, oyant cela, se retira bien vite, et dit aux amis de Coustenan : « Ma foi ! Coustenan est perdu à cette fois ; il a trouvé plus fou que lui. » Chandellier continua ses poursuites, et, par la permission de M. de Vendôme, il le fit prendre à Étampes, d’où il fut mené à la Conciergerie. Le voyant prisonnier, chacun le chargea, et il étoit en danger d’avoir la tête coupée, quand le chevalier de Tonnerre[3], qui depuis fut tué à l’armée, avec un

  1. Le maréchal de La Ferté-Senecterre avoit épousé en premières noces Charlotte de Bauves, fille de Henri, seigneur de Contenant, et de Philippe de Châteaubriant.
  2. Cet avocat, un jour en sa jeunesse, s’étant vanté de faire un sermon, on lui donna pour texte ce passage de l’Évangile : Inter natos mulierum non surrexit major Joanne Baptistâ. Il commença ainsi : Entre les nez des femmes. (T.)
  3. Le grand-père de ce chevalier de Tonnerre, voyant qu’on ne le vouloit point laisser entrer en carrosse dans le Louvre (il avoit épousé une fille de Nevers, et on lui avoit donné un brevet de duc), ne fit faire