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LA CAMBRAI.


Un orfèvre, nommé Cambrai, qui avoit sa boutique vers le Châtelet, au bout du Pont-au-Change, avoit une femme aussi bien faite qu’il y en eût dans toute la bourgeoisie. Elle étoit entretenue par un auditeur des comptes, nommé Pec. Le mari, quoique jaloux naturellement, n’en avoit point de soupçon ; car il le tenoit pour son ami, et croyoit, tant il étoit bon, que c’étoit à sa considération que ce garçon lui prêtoit de l’argent pour son commerce. Par ce moyen il fit une fortune assez grande, et il se vit riche de quatre-vingt mille écus.

Un jour Patru, dont nous venons de parler, comme il pleuvoit bien fort, se mit à couvert tout à cheval sous l’auvent de sa boutique ; mais pour être plus commodément il descendit et entra dans l’allée de la maison. La Cambrai étoit alors toute seule dans la boutique, et, l’ayant aperçu, elle le pria d’entrer : lui qui la vit si jolie y entra fort volontiers ; les voilà à causer. La dame, qui n’étoit pas trop mélancolique, se mit à chanter une chanson assez libre. « Ouais ! dit le galant en lui-même, je ne te croyois pas si gaillarde ! » Elle vit bien qu’il en étoit un peu surpris. « Vois-tu, lui dit-elle, mon cher enfant, je n’en fais point la petite bouche : l’amour est une belle chose ; mais cela n’est