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Étampes, où la belle étoit logée. Elle, qui avoit le mot, se coucha dès qu’elle fut arrivée, feignant de se trouver mal. La Barre ne se laisse point voir au mari, et la va trouver, tandis que Compain soupoit à table d’hôte. Après souper La Salle l’engage au jeu, de sorte que le galant eut tout le loisir de faire ce pourquoi il étoit venu. Le lendemain il demande à La Salle s’il n’avoit point d’argent : La Salle lui donne sept ou huit pistoles qu’il va vite porter à la servante de la dame. Quand elle fut partie, et qu’il fallut payer leur couchée, La Barre dit à La Salle que la Compain ne lui avoit pas laissé un sou. « Vraiment, dit le barbier, si je n’avois eu l’esprit de garder deux ou trois pistoles, nous en tiendrions. — J’eusse laissé mon épée, répond La Barre ; et puis les officiers d’ici me connoissent apparemment. » Ils retournèrent à Paris.

Depuis, La Barre continua à envoyer des présents à la Compain ; mais elle ne lui fut pas trop fidèle. Il eut avis qu’un conseiller de Tours, nommé Milon, étoit le beau, et qu’ils se réjouissoient tous deux à ses dépens : il en voulut savoir la vérité. Pour cela, il envoie son valet-de-chambre, qui fit si bien qu’il gagna la servante de la donzelle, et eut des lettres du conseiller à elle. Cette intelligence fut découverte, et le conseiller présenta requête, disant que cet homme étoit venu pour l’assassiner. Il avoit fait une information sous main, et, ayant eu permission d’informer, il fit arrêter cet homme et le fit fouiller : ainsi ses lettres furent recouvrées. La Barre, confirmé dans son soupçon, en fut si irrité qu’il jura de se venger. En ce noble dessein il achète quatre estocades de même longueur, et s’en va à Tours avec