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Retz, le bonhomme, s’étant mis à l’entretenir, elle devint aussitôt fameuse. Saint-Prueil l’eut ensuite, et puis La Barre, qui y dépensoit mille livres par mois. Le comte d’Harcourt couchoit avec elle par-dessus le marché ; mais quand La Barre venoit, il falloit gagner le grenier au foin, car il n’avoit point d’argent à donner. Une fois il passa toute la nuit sur des fagots. Elle fut toujours entretenue jusqu’à ce qu’elle quittât le métier ; alors, car elle avoit amassé du bien, elle vivoit en honnête femme, et il y alloit beaucoup de gens de qualité qui vivoient fort civilement avec elle. Le petit Guenault m’a dit qu’en une grande maladie qu’elle eut, comme elle se porta mieux, et qu’il lui eut demandé comment elle se trouvoit : « Hé ! dit-elle, le crucifix s’éloigne peu à peu. » Patru, qui a vu de ses lettres, dit qu’elle écrit fort raisonnablement. Enfin un conseiller mal aisé, conseiller à la cour des Aides, nommé Le Roux, l’épousa. Je trouve qu’elle fit une sottise : depuis, je n’ai pas ouï parler d’elle.

Cependant La Barre devint amoureux de la femme d’un nommé Compain de Tours, petit partisan, qui étoit venue à Paris avec son mari ; c’étoit une jolie personne, coquette, rieuse, gaie, qui contrefaisoit tout le monde, et qui concluoit assez facilement, pourvu qu’on payât bien. La Barre et elle ne purent pourtant mettre l’aventure à fin à Paris, car le mari ne la quittoit point : mais ils s’avisèrent d’une assez plaisante invention. Compain part de Paris avec sa femme ; La Barre les laisse aller. Trois ou quatre heures après il prend la poste avec un nommé La Salle, son barbier : ils descendent aux Trois-Mores à