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n’avoit pas de promesse, qu’il ne savoit pas au juste combien il y avoit, mais qu’on s’en rapportât à ce que Patru diroit.

La veuve envoya quelques jours après demander au galant combien son mari lui pouvoit devoir. Il lui manda qu’elle se moquoit, et qu’il ne lui étoit rien dû. Elle lui écrivit que cela étoit venu à la connoissance de son père, et qu’il falloit absolument le dire, et qu’elle le prioit de lui envoyer un exploit : il répondit qu’il s’en garderoit bien, et que, puisqu’il falloit nécessairement qu’elle payât, il y avoit tant ; qu’elle en fît comme elle le trouveroit à propos ; mais qu’il ne pouvoit se résoudre à lui envoyer un exploit, quoiqu’il sût bien que sans cela elle ne pouvoit payer sûrement. Le père, voyant cela, envoya l’argent, et fit faire un exploit à sa fantaisie.

Cette mort ruina toutes leurs amours : Patru ne trouvoit pas plus de sûreté à une veuve qu’à une fille. Elle le pressoit de la venir voir : lui s’en excusa un temps sur la bienséance qui ne permettoit pas qu’il retournât si promptement chez la veuve d’un homme avec qui tout le monde savoit qu’il étoit mal. Après, il lui parla franchement, et lui dit « qu’il ne pouvoit pas la voir sans lui faire tort ; car s’il l’épousoit, il la mettoit mal à son aise, et s’il ne l’épousoit pas, il la perdoit en l’empêchant de se remarier. » La voilà au désespoir. Elle crut que si elle se laissoit cajoler par d’autres elle le feroit revenir ; elle alloit à l’église avec une foule de petits galants. Il m’a avoué que cela lui brûloit les yeux, et qu’il n’a de sa vie si mal passé son temps que de voir qu’une des plus