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ils mangeoient trois fois la semaine ensemble, tantôt chez d’Ablancour, tantôt chez quelque traiteur.

Il arriva en ce temps-là que l’abbé Le Normand, ce fripon qui a fait quelque temps des catéchismes au bout du Pont-Neuf, et qui depuis a fait l’espion du cardinal Mazarin, étant parent de la belle, la prétendoit b..... ; mais il le vouloit faire d’autorité ; elle se moqua de lui. Enragé de cela contre Patru, il y mena un jeune abbé qu’on appeloit l’abbé de La Terrière, qui s’éprit aussitôt : celui-là n’y réussit pas mieux que lui. Tous deux, pour savoir la vérité de l’affaire, s’avisent de gagner un des prêtres qui, certains jours de la semaine sainte, sous l’orgue des Quinze-Vingts, donnent l’absolution des cas réservés à l’évêque. Le galant avoit accoutumé de se confesser. Ce prêtre gagné s’y trouva seul. L’avocat se confesse à lui de coucher avec une femme mariée ; et après cela le prêtre dit assez haut : « Je m’en vais ; je n’ai plus que faire ici ; j’ai su ce que je voulois savoir. » À quelque temps de là, je ne sais quel traîneur d’épée le vint trouver ; Patru l’avoit vu plusieurs fois aux Carmes : « Monsieur, lui dit-il, un tel abbé s’est adressé à moi pour vous faire jeter une bouteille d’eau-forte et vous faire donner quelques balafres sur le visage ; mais je n’ai garde de le faire. Comme vous voyez, je vous en avertis ; ne faites semblant de rien, laissez-nous-le plumer : il a encore quelque argent de reste de son bénéfice qu’il a vendu à l’abbé Le Normand. » Ce jeune abbé se fit Minime ensuite, et fit faire des excuses à Patru.

Cet abbé Le Normand étoit fils d’un maître des requêtes et petit-fils d’un commissaire du Châtelet. Lévesque étoit tout fier qu’un fils de maître des requêtes