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mission d’aller au Cours avec sa gouvernante, tantôt on la resserre tout de nouveau : le mari est devenu tout sauvage. Il a un frère qui a fait quelques campagnes ; on l’appelle d’Orvilliers. Ce garçon est bien fait et étoit assez raisonnable ; mais à cette heure il garde sa belle-sœur : on croit qu’il en est amoureux. Elle le hait comme la peste.

Le beau-père, la belle-mère, et tous leurs gens, sont tous les espions de la jeune femme. Le bonhomme en usa fort sottement, car il rompit en visière plusieurs fois à de jeunes gens qui alloient là-dedans ; et enfin le portier eut ordre de ne la laisser voir à pas un homme. Quand on la demandoit il disoit : « Elle n’y est pas. » Et elle, qui étoit toujours à la fenêtre, crioit : « J’y suis ; » mais cela ne servoit de rien.

Busserolles découvrit un jour qu’elle alloit au sermon avec la famille : il envoie un grand laquais qui fait si bien qu’il garde une place tout auprès de la petite dame, et il causa avec elle à la barbe à Pantalon tant que le sermon dura.

Elle fut assez long-temps en cette misère, n’allant en aucun lieu que sa belle-mère n’y fût, elle qui mouroit d’envie de voir des hommes. Enfin je ne sais par quelle rencontre on ne put s’empêcher de la laisser aller jouer dans le voisinage, chez le président Tubeuf. Son fils aussitôt en conte à la belle ; dès le premier soir elle lui permet de lui écrire, et non contente de cela, elle ne faisoit que chuchotter le lendemain à la messe avec lui. Le laquais de Tubeuf, aussi habile que son maître, rencontra Coiffier à la porte, qui lui fit avouer qu’il portoit un poulet à sa femme, et lui donnant un louis d’or. Il lui dit : « Je t’en donnerai autant toutes