Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 3.djvu/275

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le maria, il y a quelques années, avec la fille de Vanel, celui qui, avec La Raillière, avoit fait le traité des aisés. C’est une petite créature qu’on peut dire jolie ; mais après les nains, il n’y a rien de si petit : il est vrai qu’elle est bien proportionnée. Cette petite créature, élevée par une mère dévote, fut ravie de trouver un garçon qui fût un peu dans le monde. Par malheur pour lui et pour elle, le père et la mère de Coiffier n’étoient pas alors à Paris, ou du moins en partirent aussitôt après : de sorte que la voilà en son ménage. Le mari, qui avoit ouï dire dans le monde qu’un galant homme devoit donner de la liberté à sa femme, lui laissoit faire en partie ce qu’elle vouloit : il lui donnoit même à faire la dépense ; notez que c’étoit un oison. Elle ne se levoit qu’à midi, faisoit semblant de compter avec le valet-de-chambre de son mari, et ne comptoit point ; tout alloit comme il plaisoit à Dieu : l’argent ne lui coûtoit rien. Elle donna une table de bracelet[1] de trente-cinq pistoles à une demoiselle de sa mère qui l’étoit venue coiffer quelquefois, et à la femme-de-chambre un mouchoir de quinze pistoles.

Il n’y avoit que trois jours que le père de sa mère étoit mort ; elle s’habilloit de couleur, et quand sa mère venoit elle se mettoit entre deux draps tout habillée, et on a jeté quelquefois sur le fond du lit la tourte qu’elle alloit manger avec quelques jeunes garçons du quartier.

Logée dans un des pavillons qui sont autour du jar-

  1. On appeloit table de bracelet une pierre précieuse dont la surface est plate et qui est enchâssée dans un chaton d’or ou d’argent. (Dict. de Trévoux.)