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guérir, par jalousie il ne la voulut jamais guérir entièrement. Il n’y gagna rien : elle étoit fort coquette et enfin elle se fit démarier. Elle enrageoit quand on l’appeloit madame Poilra au lieu de madame Rapoil.


MOISSELLE.


Un beau garçon de Paris, nommé Hérouard, sieur de Moisselle, se trouvant avec peu de bien, à cause que son père avoit mal fait ses affaires, prit l’épée, et en Hollande, ayant acquis quelque réputation, une dame de quelque âge, mais riche, l’épousa. C’est la plus folle de jalousie qui fut jamais : dès qu’il regarde une servante, elle la chasse. À Paris, elle eut soupçon que son mari regardoit de trop bon œil une belle fille de ses parentes, et à table, en mangeant après avoir été long-temps sans parler, elle s’écrioit : « Oui, en ma foi ! je le voudrois de tout mon cœur qu’elle fût cent pieds sous terre, cette mademoiselle Marton. » C’étoit le nom de la belle. Et dans cette vision une cassette lui ayant été volée, elle disoit que c’étoit cette fille qui l’avoit volée, et qu’une sorcière la lui avoit fait voir dans son ongle. Elle devint jalouse de la grand’mère de son mari. Elle étoit venue de Hollande ici pour le ramener, et d’ici elle le suivit en Poitou, où il est allé voir ses parents. Il est contraint, quand il est levé, de sortir jusqu’au soir, et s’est accoutumé à la laisser criailler tout son soûl.