Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 3.djvu/27

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quel il y a encore plusieurs lettres écrites de sa main audit sieur de Bruneau.

Ladite dame Des Loges a été mariée avec feu messire Charles de Rechignevoisin, chevalier, seigneur des Loges, gentilhomme ordinaire de la chambre du Roi, issu de l’une des plus illustres maisons de Poitou et des mieux alliées ; entre les autres à celles de La Beraudière, de Vivonne, de Chémerault et de La Rochefoucauld. Il étoit oncle à la mode de Bretagne de M. le duc de La Rochefoucauld. Son père étoit chambellan de M. le duc d’Alençon, frère des rois François, Charles et Henri, et mourut au voyage de Flandre, à l’entreprise d’Anvers.

Lesdits sieur et dame Des Loges ont eu ensemble plusieurs enfants, l’un desquels fut tué à la bataille de Prague, l’an 1620, l’autre au siége de Bréda, en 1638, et l’aîné ayant suivi les guerres de Hollande durant l’espace de vingt-trois ans entiers et consécutifs, sans avoir perdu une seule campagne, et y ayant acquis beaucoup d’estime et d’honneur, tant dedans les armées qu’à la cour du prince d’Orange, y a possédé et y possède encore diverses charges militaires, et, entre les autres, celle de général-major et de colonel, s’y étant habitué tout-à-fait et allié en l’une des plus apparentes familles du pays.

Ladite dame Des Loges a fait sa demeure à Paris et à la cour durant vingt-trois ou vingt-quatre ans, pendant lequel temps elle a été honorée, visitée et régalée de toutes les personnes les plus considérables, sans en excepter les plus grands princes et les princesses les plus illustres. M. le duc d’Orléans en faisoit surtout une très-particulière estime, et se rendoit assidu à la visiter, aussi bien en la prospérité que dans l’adversité de ses affaires, dont cette prudente dame prévoyant la continuation et les funestes succès, elle se résolut à quitter tous ces avantages et toutes les commodités d’un si agréable séjour, pour ne participer point aux intrigues qui depuis en ont accablé plusieurs. Ce fut en l’an 1629 qu’elle se disposa à cette sage retraite, en laquelle elle a depuis vécu douce-