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en prison ; ma mère l’y mit à son tour ; elle m’a battu ; je l’ai battue. Enfin, après bien du vacarme, nous sommes venus à Paris. Tout le jour elle ne fait qu’escrimer. » Madame la marquise disoit qu’elle espéroit que ces deux femmes se battroient enfin en duel. « Elle mange, ajouta-t-il, quarante huîtres tous les matins (c’étoit en carême), et pour moi et mes gens, elle nous fait mourir de faim. »

Or, cette madame de Courville, comme je l’ai appris dans le pays, durant la vie de son mari et après, s’étoit toujours divertie ; et n’ayant plus aucun reste de beauté, elle avoit été contrainte de prendre un homme qui lui servoit de maître-d’hôtel et de galant tout ensemble. Samois le trouva un jour couché avec elle ; mais comme il voulut faire du bruit, elle lui dit : « Vous avez pu savoir mon humeur, et vous ne devez pas prétendre que je vive mieux avec vous qu’avec mon premier mari. » Samois voulut décharger sa colère sur cet homme, mais, comme il est débonnaire, il se contenta de le chasser. Il enferma pourtant sa femme, et ne la laissoit voir à personne. Un conseiller au Châtelet de Paris, qui avoit été autrefois fort bien avec elle, sut qu’elle étoit prisonnière, et envoya un homme qui adroitement se glissa dans la maison, un jour qu’un gentilhomme avoit eu permission de lui parler ; il lui dit la bonne intention du conseiller, qui envoya un lieutenant du prévôt de l’hôtel pour la délivrer. Ce lieutenant mit le mari et la femme bien ensemble. Quelque temps après une affaire les obligea à venir à Paris tous deux. L’argent manqua bientôt au cavalier, qui, pour en avoir, vendit les chevaux et le carrosse de sa femme ; mais elle, n’entendant point raillerie, trouva moyen de