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plus nécessaire à son État ; mais enfin cela alla si mal pour la pauvre alchimiste, qu’au lieu d’en rapporter de grandes richesses, elle y perdit pour sept à huit mille livres de pierreries que le duc lui prit quand il vit que c’étoit une affronteuse. Après plusieurs promenades, elle rencontra un Anglois qui se vantoit d’avoir trouvé l’invention de faire des carrosses qui iroient par ressort ; elle s’associa avec cet homme, et dans le Temple[1] ils commencèrent à travailler à ces machines. On en fit une pour essayer, qui véritablement alloit fort bien dans une salle, mais n’eût pu aller ailleurs, et il falloit deux hommes qui, incessamment, remuoient deux espèces de manivelles, ce qu’ils n’eussent pu faire tout un jour sans se relayer ; ainsi cela eût plus coûté que des chevaux.

Ce dessein avorté, elle accusa de fausse monnoie, car elle s’y entendoit fort bien, et c’étoit là toute sa pierre philosophale, un nommé Morel, qui avoit été commis de Barbier ; mais elle, au contraire, fut accusée, et eut bien de la peine à se débarrasser.

En un voyage qu’elle fit en Normandie, le fils de la sœur de Chandeville[2], qui étoit neveu de Malherbe ; la vit chez un gentilhomme. Il en devint amoureux, et cela n’est pas étrange, car il étoit jeune, et elle avoit encore de la beauté, étoit cajoleuse, et débitoit agréablement ; elle avoit changé de nom. Il fit en sorte au-

  1. Dans l’enclos du Temple, à Paris.
  2. Éléazar de Sarcilly, sieur de Chandeville, neveu de Malherbe, mourut à l’âge de vingt-deux ans. Ses Œuvres poétiques ont été publiées dans le Recueil de diverses poésies des plus célèbres auteurs du temps ; Paris, Chamhoudry, 1651, petit in-8o, 2e partie, p. 85. Ce Recueil a eu d’autres éditions.