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tesse, ce fut quand Bertaut, l’incommode[1], à la première visite, après maints beaux propos sur ses mérites, lui sauta au cou, et lui voulut lever la jupe. Elle appelle ses gens tout en colère ; mais, à leur vue, elle se retint, et leur dit seulement : « Raccommodez ce feu. » C’étoit l’hiver. Quand ils se furent retirés : « Ne vous repentez-vous point ? lui dit-elle. Sans la considération de madame de Motteville, je vous perdrois. » Après, elle alla conter sa déconvenue à madame de Revel, qui lui dit : « Voilà bien de quoi ! Madame de Savoie a bien été colletée[2]. »

M. de Guise lui en conta huit mois durant ; mais ils sont si visionnaires l’un et l’autre, qu’on ne sauroit dire s’il en est rien arrivé. Rambouillet l’avertit que dès qu’elle lui auroit fait quelque faveur, il la laisseroit là. Le maréchal d’Albret y alla ensuite.

Un nommé Des Colombys, grand brutal, lui en conta et lui donna sur les oreilles une fois. L’abbé de Bruc, frère de madame Du Plessis-Bellièvre et de Montplaisir[3], s’y attacha ensuite. Il y va tant de gens, que c’est une vraie cohue. Elle devient fort grosse ; elle a des affectations insupportables. Elle ne parle qu’à certaines gens ; ailleurs, elle dit les choses si languissamment, et avec une telle négligence, qu’elle ne daigne pas former les paroles.

Le reste est dans les Mémoires de la régence.

  1. On a vu plus haut, p. 177, l’article de Bertaut, le frère de madame de Motteville.
  2. Allusion à l’anecdote de ce fou de président Toré, fils du surintendant d’Émery. (Voyez plus haut, p. 120.)
  3. René de Bruc, marquis de Montplaisir, poète assez distingué, passe pour avoir eu quelque part aux ouvrages de la comtesse de La Suze.