Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 3.djvu/249

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Après que le père fut mort, la maréchale étant logée auprès de la Foire chez une madame Cousin, marchande de bois, qui leur louoit une grande maison et logeoit dans un petit corps-de-logis séparé, cette fille faisoit semblant d’être catholique, et disoit à sa mère qu’elle étoit malade quand il falloit aller à Charenton. Madame Cousin, croyant que ce fût tout de bon que mademoiselle de Coligny se vouloit convertir, faisoit entrer Vineuil, déguisé en prêtre, qui, tout à son aise, catéchisoit la demoiselle. Une demoiselle de madame de La Force, qui, par hasard, étoit demeurée chez madame de Châtillon pour se faire traiter de quelque incommodité, découvrit tout le mystère, et en avertit la maréchale, qui étoit alors à La Boulaye pour marier sa fille aînée, car la demoiselle, pour un mal d’yeux, étoit demeurée à Paris. La marquise de La Force vint à Paris et emmena la demoiselle à La Boulaye, et crut qu’elle étoit grosse. La mère lui donna à son arrivée quatre soufflets et un coup de pied dans le ventre, et lui fit mille reproches ; car cette pauvre femme lui avoit fait confidence des sottises de l’aînée, et lui avoit dit : « Vous êtes ma seule consolation. » Peu après on fut assuré qu’elle n’étoit point grosse. De La Boulaye madame de Châtillon fut à Béfort, où elle alloit pour mettre ordre à cette petite ville que le feu Roi avoit donnée au feu comte de La Suze. Jamais voyage ne fut plus heureux que celui-là pour la maréchale, car elle trouva là ce qu’elle n’eût pas trouvé en France. Un comte Georges, frère du comte de Montbelliard, de la maison de Wirtemberg, qui a vingt mille livres de rente, prit cette fille avec ses droits.

La maréchale étant morte, ce prince Georges et sa