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qu’on ne savoit qu’en croire. À cet âge-là la mère[1] ne fait point de si prodigieux effets. La maréchale croyoit que c’étoit un sort, et sa fille, quand elle fut guérie, dit qu’une femme de Châtillon, en colère de ce qu’elle ne vouloit pas qu’elle allât librement dans le parc, lui avoit donné un sort, et qu’il lui avoit semblé qu’elle avaloit un boulet de feu[2].

Cette fille, étant grande, n’étoit pas si bien faite que sa sœur ; mais elle avoit bonne mine, et la qualité y fait. Sa mère lui donna trop de liberté, elle qui n’en vouloit pas donner à ses garçons, et qui leur fit haïr les sermons à force de les y faire aller. Elle eut grand tort de la laisser aller de son chef chez madame la Princesse.

Vineuil, qu’on appeloit à la cour M. le marquis de Vineuil, secrétaire du Roi, garçon qui a pourtant de l’esprit, et qui est bien fait, dès le vivant du maréchal avoit gagné une madame de Briquemaut, qui étoit pauvre et qui étoit familière chez le maréchal. Cette femme leur fournissoit des rendez-vous. Boccace, capitaine des gardes du maréchal, s’aperçut de l’affaire, et dit à la demoiselle que si elle continuoit il en avertiroit monsieur son père. Elle le prévint, dit au maréchal que Boccace étoit amoureux d’elle, et que s’il dit quelque chose, c’est à cause qu’elle ne l’a pas voulu écouter. Le maréchal la croit, et brutalement il dit en présence de Boccace : « Qu’il donnera de l’épée dans le ventre à quiconque lui fera des contes de sa fille[3]. »

  1. Mère est pris ici dans le sens de l’organe de la femme où se forme le fœtus. (Voyez le Dict. de Trévoux.)
  2. La mère croyoit que sa fille avoit été délivrée par ses prières. (T.)
  3. Il vouloit que ses filles fussent comme des garçons. (T.)