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elle visite la veuve, la cajole, et se met fort en ses bonnes grâces : mais un jeune Écossois, nommé Esbron[1], neveu du colonel Esbron, qui étoit mort au service de la France, avoit déjà fait un grand progrès auprès de la comtesse d’Adington. La maréchale, sa mère, car le père étoit déjà mort, eut avis de tout, et tâchoit d’empêcher que ces étrangers ne vissent sa fille. Un jour il y eut bien du désordre, car la comtesse d’Arondel et madame de Châtillon la jeune avoient mené la comtesse d’Adington entendre les Ténèbres. La maréchale, qui, d’ailleurs, savoit bien des choses, lui donna un soufflet et l’emmena à La Boulaye chez sa sœur de La Force, où, de peur qu’elle ne changeât de religion, elle la maria au comte de La Suze, tout borgne, tout ivrogne, et tout endetté qu’il étoit ; mais c’étoit à faute d’autre ; et puis il est parent de madame de La Force. Durant qu’on parloit de l’affaire, Esbron lui écrit, elle fait réponse. Il va à La Boulaye pour tâcher à se battre contre La Suze ; il n’en peut venir à bout ; il écrit encore ; on ne lui fait point de réponse ; il se dépite, montre toutes les lettres de la dame et s’en rit partout.

Nous reprendrons la comtesse de La Suze après que nous aurons parlé de sa sœur ; car ce qui est arrivé à sa sœur lui est arrivé durant la vie de la mère, et la mère morte, nous verrons les beaux exploits de la comtesse.

Mademoiselle de Coligny, en son enfance, avoit eu une maladie la plus étrange du monde ; elle gravissoit, quand son mal lui prenoit, le long d’une tapisserie, comme un chat, et faisoit des choses si extraordinaires

  1. Le vrai nom est Hailbrun. (T.)