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entretenoit un petit collége pour ceux de la religion. Là, étant encore enfant, il vit mademoiselle de Châtillon et en devint amoureux ; quand il eut dix-huit ans, il retourna dans son pays ; il fit trouver bon à ses tuteurs qu’il recherchât cette fille. Le nom de Châtillon fait bien du bruit, et surtout en pays d’huguenots ; les tuteurs écrivent au maréchal ; le maréchal y consent. Il avoit alors cent mille livres d’argent comptant qu’il vouloit donner ; mais on ne le lui conseilla pas, car en Écosse les maris ne rendent point le mariage de leurs femmes, si elles viennent à mourir sans enfants, et puis les tuteurs dirent que leur pupille avoit assez de bien, et demandèrent seulement que le maréchal fît les frais des noces.

Ce jeune seigneur étoit comte d’Adington, et sa femme avoit le tabouret chez la Reine ; il emmène sa femme ; mais il ne dura qu’un an, car il étoit pulmonique, et je crois qu’elle ne l’épargna guère. Il lui fit en mourant tous les avantages qu’il lui pouvoit faire.

Au bout de quelque temps la voilà de retour à Paris, avec quelque somme d’argent, quelques pierreries, et dix mille livres de douaire. La reine d’Angleterre étoit déjà à Saint-Germain ; notre jeune veuve la visitoit souvent, parce qu’elle y avoit le tabouret, et qu’on lui faisoit force caresses.

Cette Reine, toujours zélée pour la propagation de la foi, pense incontinent à gagner cette âme à Dieu et à la faire épouser à quelqu’un de ceux qui avoient suivi sa fortune ; elle tâche donc à la marier avec le fils de la comtesse d’Arondel. Cette dame logeoit assez près de madame de Châtillon, au faubourg Saint-Germain ;