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ses enfants ont eu depuis l’un après l’autre. En je ne sais quelle retraite, à la vue du prince Maurice, il fit tout ce qu’on pouvoit faire ; le prince Maurice le loua fort, et dit : « Ce sera quelque jour un bon capitaine. » On verra par la suite que la prophétie n’a pas été trop bien accomplie. À Londres, quelque temps après, le prince d’Orange, Henri, père du dernier mort, et lui, furent pris dans un lieu d’honneur par le commissaire du quartier.

Il n’y avoit personne dans le parti huguenot si considérable que lui. Il avoit toute la faveur de son père et de son aïeul ; en un rien il pouvoit mettre quatre mille gentilshommes à cheval. Il tenoit Aigues-Mortes ; mais il la rendit pour être maréchal de France. La Haye en enrageoit, et tenant le petit Dandelot[1], qui étoit fort joli, entre ses bras, dans la galerie de Châtillon, il lui enseignoit à dire : « Je veux ressembler à celui-là, montrant son grand-père, et non pas à mon papa ; » et il disoit à cet enfant : « Pauvre petit garçon, que je te plains ! tu n’as point d’Aigues-Mortes à vendre ; » et cela en présence du maréchal, car ce bonhomme étoit diseur de vérités.

Le maréchal avoit l’honneur d’être assez prompt pour être appelé brutal ; c’étoit pourtant un fort bon homme, mais qui étoit incapable de direction et de discipline : il jouoit, et il lui est arrivé bien des fois, quand il perdoit, de faire semblant d’aller à ses nécessités ; et il descendoit dans le jardin où il se mettoit à secouer un arbre un gros quart-d’heure durant.

Il s’étoit marié un peu par amour. Sa femme étoit

  1. Depuis M. de Châtillon, tué à Charenton. (T.)