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maréchale lui dirent, comme on revenoit à Paris : « Mais ne demeureriez-vous pas bien avec nous ? » Ainsi, insensiblement il s’attacha à la maréchale, et y demeura jusqu’à sa mort[1], sans gages ni appointements, mais seulement comme un ami de la maison : il est vrai qu’il faisoit toutes ses affaires.

Le Pailleur étoit de si belle humeur, avant que la gravelle, dont il fut fort travaillé quand il vint sur l’âge, le tourmentât, que le messager de Rennes à Paris le vouloit mener pour rien à cause qu’il avoit toujours fait rire la compagnie depuis là jusqu’à Paris. Je lui ai ouï conter qu’une fois en une débauche en Bretagne, où étoit le duc de Retz, quelqu’un ôta son pourpoint, puis dit : « Brûlons nos chemises. » Le Pailleur, comme le duc vouloit aller brûler la sienne, lui dit : « Donnez, je la brûlerai avec la mienne ; » mais au lieu de cela, il ne jette que la sienne dans le feu, et met celle du duc dans ses chausses. Ils allèrent tous sans chemise à un bal : tout le monde s’enfuit ; ils prirent les chandelles et se retirèrent. Le lendemain Le Pailleur met la chemise du duc, où il y avoit une belle fraise, et va à son lever. Les valets-de-chambre vouloient gager que c’étoit la chemise de M. le duc. Le Pailleur rioit ; le duc se mit à rire aussi, et lui dit : « Ma foi ! vous n’étiez pas si ivre que nous. »

Un jour Le Pailleur dit bien des choses contre le mariage. Le lendemain un jeune homme, fils d’un conseiller, le vient trouver : « Monsieur, lui dit-il, je vous viens remercier. J’étois accordé, mon père me donnoit sa charge ; mais ce que vous dîtes hier me

  1. Durant vingt-cinq ans. Il ne lui survécut que de deux ans. (T.)