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Le Pailleur savoit la musique, chantoit, dansoit, faisoit des vers pour rire[1] ; il chanta quatre-vingt-huit chansons pour un soir de carnaval. Il fit la débauche à Paris assez long-temps. Las de cette vie, il va en Bretagne avec le comte de Saint-Brisse, cousin-germain du duc de Retz. Ce comte avoit fait connoissance avec lui à Paris, et avoit tant fait qu’il l’avoit résolu à le suivre. Il y étoit le tout-puissant ; mais comme il vit que cet homme faisoit trop de dépense, il lui dit qu’il falloit se régler. « Je ne saurois, lui répondit le comte. — Permettez-moi donc de me retirer, lui dit Le Pailleur, car ayant le soin de vos affaires, on dira que c’est Le Pailleur qui vous a ruiné. » Il y fut pourtant encore deux ans à remettre de trois mois en trois mois.

Il alla avec le comte voir le maréchal de Thémines, alors gouverneur de la province. La maréchale le prit en amitié ; il étoit gai, il faisoit des ballets, et mettoit tout le monde en train : elle lui demanda s’il vouloit être intendant du maréchal ; il ne le voulut pas, car il dit que c’étoit la mer à boire que d’entreprendre de mettre l’ordre dans cette maison.

Le maréchal mourut à Paris ; Le Pailleur y étoit revenu. La maréchale le pria d’aller avec elle en Touraine ; « car j’ai grand’peur, lui dit-elle, de m’ennuyer en une maison où j’ai tant souffert en premières noces. » Il y fut, et elle jura qu’elle ne s’y étoit pas ennuyée un moment. Des demoiselles de la

  1. On a imprimé dans les Œuvres de Dalibray, Paris, 1653, in-8o, une Épître en vers de Le Pailleur, auquel ce poète a adressé une partie de ses médiocres ouvrages.