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faire un tour dans le jardin : au retour elles trouvèrent une véritable collation qui étoit magnifique. Il y avoit des galanteries à la vieille mode, car on servit des pâtés pleins de petits oiseaux en vie, qui avoient au col des rubans des couleurs de la maréchale ; il y en avoit aussi un de petits lapins blancs en vie avec des rubans de même. Il fit présenter après la collation des bassins de gants d’Espagne, et n’oublia rien de tout ce dont il put s’aviser pour divertir celle à qui il vouloit plaire.

Ce M. de Nemours avoit étudié l’art de faire des ballets ; il en avoit fait plusieurs, et avoit eu la curiosité d’en faire de grands livres, où toutes les entrées étoient peintes en miniature. Il avoit été de tous les carrousels, soit de France, soit de Savoie.

Le feu roi (Louis XIII) fit une fois chez lui un concert où tous ceux de la musique de la chambre chantoient ; il en avoit mis M. de Mortemart et M. le maréchal de Schomberg : lui-même aussi en étoit. M. de Nemours, par grande grâce, y fit entrer Le Pailleur, et il avoit dit au Roi qu’il s’entendoit fort bien en musique. On y chanta sur la fin des airs du Roi. Le Pailleur, pour faire sa cour à demi-haut, dit : « Ah ! que ce dernier air mériteroit bien d’être chanté encore une fois ! » Le Roi dit : « On trouve cet air-là beau, recommençons-le. » On le chanta encore trois fois. Le Roi battoit la mesure. Il avoit proposé de faire une symphonie depuis les plus bas instruments jusques aux trompettes, et il vouloit qu’il n’y entrât personne qui ne sût la musique, et pas une femme ; « car, disoit-il, elles ne peuvent se taire. — Ah ! Sire, dit M. de Nemours, madame la maréchale de Thémines en doit