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voisines. » Ces voisines venues : « Où irons-nous ? Vous plairoit-il aller vers la porte Saint-Antoine ? Après voudriez-vous aller à Bagnolet, à Charonne ou à Conflans ? — Où vous voudrez, dit la maréchale. — Cocher, va donc à Conflans. » Les y voilà arrivés. On heurta long-temps sans qu’il vînt personne : les dames commençoient à s’ennuyer ; lui feignit des impatiences étranges. Il appelle une paysanne. « Ma grande amie, n’y a-t-il personne ? ne sauroit-on entrer ? ne sauriez-vous nous donner du lait chez vous ? » Enfin, on ouvre une petite porte, et une femme dit assez malgrâcieusement que M. le premier président y devoit[1] coucher. « Hé ! ma grande amie, nous ne voulons que nous promener et qu’on nous donne du lait. — Bien, monsieur, pourvu que vous n’y soyez guère. » Après il vint un homme qui, d’un air assez rude, lui dit : « Que demandez-vous, monsieur ? » et en même temps dit à cette femme : « Retirez-vous, vous n’êtes qu’une bête. » M. de Nemours lui dit ce qu’il avoit dit à cette personne. « Oui da ! monsieur, répondit l’autre, oui da. » On entre donc. Les dames, et surtout Le Pailleur, sentirent bien je ne sais quelle odeur de sauces. Le bon seigneur, qui ne pouvoit se promener, les fit tenir dans une salle où l’on ne servit d’abord que du lait et quelques autres bagatelles. Après, voici des gens qui, au son du violon et en cadence, mettent le couvert, et servent une collation toute feinte. Cela fait, il prie les dames d’aller

  1. Le château de Conflans, qui est devenu depuis la maison de campagne des archevêques de Paris, appartenoit alors à Nicolas Le Jay, premier président au Parlement. Ce magistrat mourut en 1640.