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compliments à la maréchale, et la prier de l’excuser si par le passé il avoit su si mal se prévaloir de l’avantage qu’il avoit d’être son voisin ; et quelques jours après il la vint voir à demi-guéri. C’étoit le soir en été : avant qu’il entrât, des cornets à bouquin avoient joué le plus agréablement du monde dans la cour de la maréchale. Le Pailleur, qui s’étoit douté d’abord de ce que c’étoit, envoya dire qu’on fît boire les menestriers. Le bon prince en entrant dit : « Madame, j’ai trouvé là-bas des cornets à bouquin qui s’en alloient ; les auriez-vous congédiés ? — Non, monsieur, répondit-elle. — Vraiment, madame, si j’eusse su cela, je les eusse fait revenir. — Mais voudriez-vous entendre des violons ? on tâcheroit d’en avoir. — Hé ! La Barre[1], dit-il, voyez si vous trouveriez des violons. » Aussitôt on entend ronfler les vingt-quatre violons ; le bonhomme devint amoureux d’elle. Il la venoit voir fort souvent, quoiqu’il ne pût aller sans être aidé par quelqu’un. Un jour en montant il se laissa tomber. Elle, qui du second étage descendoit dans sa chambre, s’en aperçut ; mais pour lui faire plaisir elle retourna sur ses pas sans faire semblant de rien. En se relevant il demanda à son écuyer La Chaise : « Madame ne m’a-t-elle point vu ? — Non, monsieur. » La maréchale étant descendue : « Madame, lui dit-il, n’avez-vous point ouï tomber quelqu’un ? La Chaise a fait un beau par terre. »

Un jour il demanda à la maréchale si elle ne vouloit point s’aller promener en quelque maison. « Je le veux bien, répondit-elle : envoyons chercher de nos

  1. C’étoit un musicien, grand danseur qui étoit à lui. (T.)