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elle l’entend : il fait quelques progrès. On lui amène ensuite le père Veron[1], qui, violent et farouche, lui alla dire que son père et son grand-père étoient damnés. Elle qui les avoit vu estimer si gens de bien par tout le monde, fut si touchée de cela qu’elle en pleura. Enfin, elle se fit catholique plutôt par condescendance qu’autrement.

Elle fut choisie pour aller avec madame de Chevreuse mener la reine d’Angleterre dans son royaume. Là, elle vit Du Moulin, qui, trouvant en elle beaucoup de dispositions à récipiscence, la remit tout-à-fait dans le bon chemin, et au bout de trois mois qu’elle eut changé de religion, elle en fit reconnoissance à Charenton.

Le maréchal ne fut guère avec elle. On dit qu’en mourant il disoit naïvement : « Seigneur, au moins je ne l’ai jamais offensée que de galant homme. »

La voilà donc veuve pour la troisième fois. En ce temps-là elle avoit de plaisants ragoûts : elle mangeoit du pain, après l’avoir tenu long-temps à la fumée d’un fagot bien vert ; elle aimoit l’odeur des boues de Paris, et quand les boueurs étoient dans sa rue, on ouvroit toutes les fenêtres de sa chambre. Une fois la Reine-mère, comme elles passoient sur de la boue, lui demanda en riant : « Madame la maréchale, celle-là est-elle de la fine ? — Non, madame, répondit-elle en riant aussi, elle n’est pas encore assez faite. » Depuis, elle se défit de ces belles amitiés.

En ce troisième veuvage elle se divertissoit à jouer,

  1. Un fou qui n’a jamais rien fait de plaisant qu’un livret qu’il appeloit la Courte joie des huguenots. C’est qu’il avoit pensé mourir. (T.)