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de l’argent de mes fermiers. » Quand elle fut arrivée : « Hé bien ! sommes-nous bien riches ? — Madame, il faut voir, voici ce qui me reste. » On trouva environ vingt écus. Elle avoit amené un train de Jean de Paris[1].

Le vieil amoureux est aussitôt averti de son arrivée : il la vient voir, il presse ; elle, qui n’a jamais été intéressée, avoit de la peine à se résoudre. Sa mère lui dit : « Ma fille, je vous ai mal mariée une fois, je ne m’en veux point mêler ; voyez ce que vous avez à faire. »

M. de Luçon, qui bientôt après fut le cardinal de Richelieu, lui fit dire « qu’elle seroit une innocente de laisser échapper une si belle occasion. » Nonobstant la diversité de religion, le mariage se fit.

Elle a dit depuis qu’elle trouva les lèvres de ce bonhomme le jour de ses noces aussi froides qu’un glaçon. Le lendemain la Reine-mère et la princesse de Conti, qui étoit devenue son amie, lui firent mille questions : « Mais comment a-t-il fait ? Mais êtes-vous madame de Bellengreville ? » Je ne sais ce qu’elle fit ou ce qu’il voulut faire, mais il ne dura que cinq semaines. Il avoit beaucoup d’argent et beaucoup de meubles ; elle étoit commune (en biens), et y gagna, outre son douaire, qui étoit gros, plus de quatre cent mille livres.

Voilà déjà deux vieux maris ; elle en aura encore un vieux, mais plus qualifié que les deux premiers ; et cela arrivera d’une façon assez bizarre. Le marquis de Thémines[2], fils du maréchal, ayant été blessé dans les guerres de la religion, mourut de sa bles-

  1. Livrée de couleur jaune.
  2. Le marquis de Thémines mourut le 11 décembre 1621.