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Son fils[1] fut aussi prisonnier de guerre, et dans la prison il fit ce méchant dictionnaire des rimes, qui fut imprimé. Il fit imprimer aussi un Recueil de ses vers qui ne valent rien non plus[2]. Il étoit brave comme son père et vêtu de chamois comme lui ; mais il étoit bien fait de sa personne. Ces deux hommes-là ne juroient jamais, et étoient toujours à la guerre. Il eut affaire, comme son père, à un jeune homme ; mais l’affaire alla bien plus loin : c’étoit un étourdi qui, pour se mettre en réputation, le fit appeler en duel sur une vétille, et même il avoit cherché querelle. La Noue, sur le pré, lui fit une petite remontrance, mais en vain ; comme il vit cela, il lui donne un bon coup d’épée. Ce garçon avoit un oncle, maréchal de France ; je n’en ai pu savoir le nom. Cet oncle l’envoya à M. de La Noue, pieds et poings liés.

Ce M. de La Noue eut un fils qui vit encore, mais il n’a point de garçons. Il est bien fait ; mais le jeu est sa seule passion : il a la vue fort courte ; cela l’a empêché de s’attacher à la guerre. À dix-sept ans il commandoit un régiment de cavalerie en Allemagne ; le colonel Esbron étoit un de ses capitaines. Aujourd’hui on l’appelle La Noue Bras de laine.

Revenons à la maréchale. Son père la maria assez ridiculement ; car elle n’avoit que treize ans quand il

  1. Odet de La Noue-Téligny.
  2. Ce Recueil est intitulé : Poésies chrétiennes ; Genève, 1594, in-8o. Il avoit publié en 1588 un petit volume de quarante-sept pages, ayant pour titre : Paradoxe, que les adversités sont plus nécessaires que les prospérités : et qu’entre toutes l’état d’une prison est le plus doux et le plus profitable ; Lyon, Jean de Tournes, petit in-8o. C’est une pièce très-médiocre, mais fort rare.