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jours à pied, et avoit pourtant dix-huit mille livres de rente. Il assistoit quelques gens de lettres, mais il étoit avare : il disoit qu’il travailloit à faire en sorte que son bien ne lui donnât point de peine, et j’ai logé dans la quatrième maison qu’il a bâtie à dessein de les revendre. Voyez quel repos d’esprit, quand ce ne seroit que d’avoir à criailler, et souvent à plaider contre toutes sortes d’ouvriers. Pour mon particulier, j’ai fort à me louer de lui. Il disoit lui-même que nous avions fait un marché du siècle d’or. Il est vrai qu’en le traitant généreusement, je faisois qu’il se piquoit d’honneur, et que j’en avois tout ce que je voulois ; il disoit : « Je ne comprends point comment nous l’entendons : j’ai loué autrefois une maison à un évêque[1] qui ne me payoit point ; j’en ai loué une autre à un huguenot : il me paie par avance. »

Quand il lui prit fantaisie de se faire conseiller à Metz, il en parla à MM. Du Puy, qui s’en moquèrent, et lui dirent qu’il se mettoit en danger d’être pris tous les ans, et qu’il lui en coûteroit dix mille écus pour sa rançon. Il les quitta là, et de ce pas il va signer le contrat. Il en avoit aussi parlé à Chapelain, en présence de Guiet[2] (celui qui disoit que s’il eût été Juif, il auroit appelé de la sentence de Pilate à minima). Guiet

  1. M. D’Auxerre. (T.)
  2. Précepteur du cardinal de La Valette, homme de lettres. Ce Guiet disoit qu’il montreroit qu’il y avoit je ne sais combien de livres de l’Énéide qui n’étoient point de Virgile, et retranchoit une des comédies de Térence. « Que ne travaillez-vous, lui dit un des messieurs Du Puy, chanoine de Chartres, sur le bréviaire ? vous me feriez grand plaisir. » (T.)