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m’avoit donné cent mille livres. — Que diable feriez-vous donc, lui dit Guerchy, s’il vous avoit...... ? »

Il mena admirablement les gens à la guerre. J’en ai ouï conter une action bien hardie et bien sensée tout ensemble. Avant que d’être maréchal-de-camp, il demanda à quinze ou vingt volontaires s’ils vouloient venir en partie avec lui : ils y allèrent. Après avoir couru toute une matinée, sans rien trouver, il leur dit : « Nous sommes trop forts, les partis fuient devant nous ; laissons ici nos cavaliers et allons-nous-en tous seuls. » Les volontaires le suivent. Ils s’avancent jusqu’auprès de Saint-Omer. Quand ils furent là, voilà deux escadrons de cavalerie qui paroissent et leur coupent le chemin, car Saint-Omer étoit à dos de nos gens. « Messieurs, leur dit-il, il faut périr ou passer. Mettez-vous tous de front ; allez au grand trot à eux, et ne tirez point. Le premier escadron craindra, voyant que vous ne voulez tirer qu’à brûle pourpoint ; il reculera et renversera l’autre. » Cela arriva comme il l’avoit dit. Nos gentilshommes bien montés forcent les deux escadrons et se sauvent tous à un près. En voici un autre qui est bien aussi hardi, mais il me semble un peu téméraire. « Ayant eu avis que les Cravates emmenoient les chevaux du prince d’Enrichemont, depuis duc de Sully, il voulut aller les charger accompagné seulement de quelques-uns de ses cavaliers ; et s’étant trouvé un grand fossé entre lui et les ennemis, il le fit passer à la nage à son cheval sans regarder si on le suivoit, tellement qu’il alla seul aux ennemis, en tua cinq, mit les autres en fuite, et revint avec trois des nôtres qu’ils avoient pris, et qui lui aidèrent peut-être dans le combat : il ramena