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vroit l’ordre que de Sa Majesté seule. Ce fut à la charge de marcher toujours à la tête de l’armée, et de faire, en quelque sorte, le métier d’enfants perdus. Dans cet emploi il reçut ce furieux coup de pistolet dans le côté droit, dont la plaie s’est rouverte par plusieurs fois, tantôt avec danger de sa vie, tantôt cette ouverture lui servant de crise aux autres maladies, car il en eut plusieurs, et une même un peu avant sa mort[1].

Le roi de Suède, au bout de six mois, le fit colonel d’un régiment composé de huit compagnies de cavalerie.

Après la mort du roi de Suède, il accompagna le duc de Weimar en France. La première fois qu’il y vint à la tête de son propre régiment, le cardinal de Richelieu le voulut attirer dans le service du Roi ; et quoique françois, il fut toujours payé et traité en étranger, et la justice militaire lui en fut accordée à l’exclusion de tous autres juges, comme aussi de donner les charges qui vaqueroient dans ce régiment, ce qui lui a été toujours conservé, quoique ce régiment se trouvât à la fin monté jusqu’à dix-huit cents chevaux en vingt compagnies. La plupart des étrangers qui venoient servir le Roi vouloient être sous sa charge, tant il leur rendoit bien la justice ; aussi étoit-il seul en France qui, étant fran-

  1. Il s’étoit fait traiter de ce coup avec la poudre de sympathie ; cela lui laissa un sac. (T.) — La poudre de sympathie est une des fables les plus ridicules de la médecine du dix-septième siècle. C’étoit un mélange de couperose verte, dite aujourd’hui sulfate de fer, pulvérisée et mélangée de gomme arabique. On répandoit cette poudre sur un linge trempé dans l’humeur qui sortoit de la plaie, et on prétendoit que le malade éprouvoit un grand soulagement. (Voyez le Discours par le chevalier Digby touchant la guérison des plaies par la poudre de sympathie ; Paris, 1681, in-12.)