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femme. On fait ce conte de plusieurs personnes, et on en a même fait une épigramme.

Gassion étoit le quatrième garçon, et avoit un cadet. Après qu’il eut fait ses études, on l’envoya à la guerre ; mais on ne le mit pas autrement en bon équipage. Son père lui donna pour tous chevaux un vieux courtaut, qui pouvoit bien avoir trente ans : il n’y avoit plus que celui-là en tout le Béarn, et on l’appeloit par rareté le courtaut de Gassion. Il y a apparence que le jeune homme n’étoit guère mieux pourvu d’argent que de monture. Le gentil coursier le laissa à quatre ou cinq lieues de Pau : cela n’empêcha pas qu’il n’allât jusqu’en Savoie, où il se mit dans les troupes du duc de Savoie, le bossu, car alors il n’y avoit point de guerre en France. Mais le feu Roi ayant rompu avec ce prince, tous les François eurent ordre de quitter son service : cela obligea notre aventurier à revenir au service du Roi. À la prise du Pas de Suze, il fit si bien, n’étant que simple cavalier, qu’on le fit cornette ; mais l’accommodement fut bientôt fait entre le Roi et le duc, et la compagnie dont il étoit cornette cassée, il vient à Paris, demande une casaque de mousquetaire ; on la lui refuse à cause de sa religion. De dépit il passe avec quelques François en Allemagne ; et quoique dans la troupe il y eût des gens plus qualifiés que lui, sachant parler latin, on le prit partout pour le principal de sa bande. Un de ceux-là fit les avances d’une compagnie de chevau-légers qu’ils vinrent lever en France pour le roi de Suède. Il en fut le lieutenant : son capitaine fut tué, le voilà capitaine lui-même. Il se fit bientôt connoître pour homme de cœur, et de telle sorte qu’il obtint du roi de Suède qu’il ne rece-