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LE MARÉCHAL DE GASSION[1].


Le maréchal de Gassion étoit d’une bonne famille de la robe. Son aïeul étoit second président du parlement de Navarre. Comme il étoit huguenot, on lui disputa cette place qui lui appartenoit par ancienneté ; mais il s’avisa d’un bon expédient. Un dimanche, étant parti de chez lui pour aller au prêche, au lieu d’y aller il alla à la messe, en disant : « N’y a-t-il que cela à faire ? » Mais il ne continua pas, et n’alloit ni à prêche ni à messe. Il exerça par commission la charge de premier président, car Henri IV, par quelque considération, ne la lui voulut pas donner en titre. Son fils aîné le suivit, et possède aujourd’hui cette charge[2].

La mère du maréchal étoit une bossue, qui ne manquoit pas d’esprit et faisoit la goguenarde. On dit qu’un jour elle vit une femme qui boitoit des deux côtés : « Hola ! lui dit-elle, ma commère, vous qui allez de côté et d’autre (et en disant cela elle la contrefaisoit), dites-nous un peu des nouvelles. — Dites-nous-en vous-même, vous qui portez le paquet, » lui répondit cette

  1. Jean de Gassion, né à Pau en 1609, tué devant Arras en 1647.
  2. Les neveux du maréchal, qui portent l’épée, fils du président son frère, ont fait faire sa Vie trop ample et misérablement écrite par l’abbé de Pure. Ils affectent de faire passer leur maison pour être d’ancienne noblesse, et font une généalogie telle qu’il leur plaît. (T.)