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mais il se sentoit porté aux armes. Dans ce dessein, toutes choses étant paisibles en France, il demanda la permission à son père d’aller voyager, en attendant les occasions de guerre que la France lui présenteroit, et que ce seroit toujours du temps utilement employé. « Je commencerai, ajouta-t-il par l’Espagne, si vous le trouvez à propos. » Le père y consent ; mais il l’avertit de prendre garde d’être reconnu, « car vous savez bien, ajouta-t-il, que j’ai donné autrefois un soufflet à un seigneur espagnol, en présence de la boiteuse de Montpensier, à Paris, parce qu’il m’accusoit de n’être pas ferme dans le parti. » Ce seigneur est d’âge à vivre encore, et apparemment il sera à la cour. À Madrid, ce même seigneur reconnut un gentilhomme nommé le capitaine Champagne, qui étoit avec M. Du Hallier (c’est ainsi qu’on appeloit alors le maréchal). Il avoit vu ce capitaine avec M. de Vitry, durant la Ligue. L’Espagnol lui fit de grandes caresses, et voulut savoir où logeoit son maître ; le capitaine le lui dit, ne croyant pas qu’on pût deviner qu’il étoit fils de M. de Vitry ; mais l’Espagnol pénétra cela aisément, l’alla voir le lendemain, et lui fit tant de civilités et d’offres de service, que M. Du Hallier, en lui rendant sa visite, ne put se cacher plus long-temps, et lui dit son nom et son dessein, et qu’avant huit ou dix jours il faisoit état de partir pour aller voir toutes les belles villes d’Espagne. Ce seigneur le régala, et le jour de son départ, après lui avoir fait des excuses de ne pouvoir l’accompagner à cause qu’il étoit obligé de suivre le Roi, il lui laissa un paquet plein de lettres du Roi à tous les gouverneurs des lieux où notre voyageur de-