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vouloit pas laisser aller à la guerre : il s’en alla un beau matin en Hollande sans lui dire adieu : « Ah ! disoit-elle, il étoit bien difficile de retenir ce jeune lion. » En Hollande, il empruntoit de l’argent à l’ambassadeur de Portugal, et disoit : « Ma putain de mère ne me donne rien. » De là il alla en Portugal, où il mourut de trois coups d’épée, après avoir tué, à ce qu’elle dit, le capitaine d’une compagnie de chevau-légers et mis le lieutenant hors de combat. On le voulut porter dans un couvent de religieux là auprès. Ces religieux ne vouloient recevoir personne ; mais, dès qu’il se fut nommé : « C’est, dirent-ils, le fils de ce généreux François ? qu’il vienne. » Il mourut là de ses blessures, qui étoient toutes par devant. « Le père et le fils, ajoutoit-elle, me coûtent plus de cent mille livres, et je perds la terre d’Atis, qui étoit substituée à ce pauvre garçon. »

Elle, qui s’en étoit plainte mille et mille fois durant sa vie, après qu’il fut mort, en disoit des merveilles ; c’étoit la plus grande perte du monde. « Il me dit, disoit-elle, un peu devant que de s’en aller, une chose qui mérite d’être gravée en lettres d’or sur le marbre. Je lui reprochois ses dettes ; il me dit : Je n’en ferai plus ; mais, promettez-moi de payer celles que j’ai faites ; car, quoique je n’aie pas l’âge, il n’y a point de minorité devant Dieu. »

Elle disoit d’un pauvre livre du père Du Bosc sur la matière de la grâce, dont l’épître au cardinal Mazarin avoit été toute refaite par Patru : « Le livre est bon, mais l’épître est ridicule. » Elle disoit au même père Du Bosc : « C’est l’opinion de Molinus. — Vous m’excuserez, répondit-il, c’est celle de Jansenia. »

Je fus une fois chez elle avec Patru ; elle nous dit