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et rendit par ce moyen un grand service, car la place eût été attaquée et prise sans ce secours. Au retour de là, sa femme, qui a toujours eu de l’ambition, et qui vouloit pousser son mari, crut qu’il en falloit faire un titolado[1] ; et, pour le faire appeler Monsieur le comte, elle s’avisa de feindre qu’elle avoit perdu un chien, et fit dire au prône que quiconque l’auroit trouvé le portât chez M. le comte de Guébriant.

Après cela, Guébriant fut envoyé dans la Valteline avec qualité de maréchal-de-camp. Il dit d’abord à M. de Rohan qui y commandoit : « Monsieur, je suis assuré que je vous obéirai bien ; mais je vous avoue que je ne sais point le métier de maréchal-de-camp : daignez prendre la peine de m’instruire. » Cela plut fort à M. de Rohan.

Depuis, il fut envoyé en Allemagne mener un secours de deux mille hommes au duc de Weimar, qui, voulant avoir deux maréchaux-de-camp françois, demanda Guébriant, sur le témoignage que M. de Rohan lui en rendit, quand il le fut trouver un peu avant la bataille de Rheinfelden.

Le duc de Weimar fit bien voir le cas qu’il en faisoit, car il lui laissa en mourant[2] son cheval et ses armes. Il oublioit son épée ; mais Feret, son secrétaire françois, l’en fit ressouvenir, et il la lui laissa aussi. Guébriant, que nous appellerons le comte de Guébriant, par respect et par politique, ne voulut jamais monter sur ce cheval, et le faisoit même mener en

  1. Un homme titré.
  2. Bernard de Saxe, duc de Weimar, mourut de la peste, le 18 juillet 1639. On prétend qu’il fut empoisonné.