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et le tire de leurs mains : c’étoit le baron Du Bec[1] que le marquis de Praslin, qui fut tué à la bataille de Sedan, assassinoit par jalousie ; car ils étoient rivaux, et le baron étoit mieux traité que lui. On reconnut ensuite l’épée du marquis[2], qui étoit demeurée sur la place. Guébriant dit au baron que s’il découvroit jamais qui lui avoit fait un si lâche tour, et qu’il s’en voulût ressentir, il le prioit de lui faire l’honneur de le prendre pour son second. En effet, ils se battirent et ils eurent l’avantage[3].

Ce duel obligea le baron à se retirer à la campagne chez sa sœur qui étoit nouvellement démariée d’avec M. des Spy (ou Chepy), homme de qualité. Cette affaire ne fut pas trop honorable à la dame ; car elle dura dix ans, et elle est retournée plus d’une fois avec son mari. Enfin, il consentit à la dissolution, et épousa une fille. En ayant eu un enfant, il envoya prier mademoiselle Du Bec de la présenter au baptême. Elle répondit qu’elle le feroit volontiers, si elle croyoit que cet enfant fût de lui. Elle s’éprit de Guébriant, qui étoit bien fait, l’épousa et lui acheta une compagnie aux gardes : elle avoit peut-être cinquante mille écus de bien.

Durant le désordre de Corbie, il se jeta dans Guise,

  1. La maison du Bec Crespin, en Normandie, est une bonne maison ; ils viennent des Grimaldi, de la famille du prince de Monaco. (T.)
  2. Le marquis de Praslin étoit brave, mais méchant ; il empoisonna avec de l’antimoine je ne sais combien de Wourmans en Hollande ; il en avoit été battu en je ne sais quelle rencontre, où il avoit fait l’insolent. (T.)
  3. Je pense que Guébriant eut tout l’honneur du combat, car le baron étoit méchant soldat : témoin La Capelle, qu’il défendit si mal. (T.)