Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 3.djvu/179

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il vaut cinq mille livres de rente. Elle l’obtint. Elle lui fit donner encore la charge de lecteur du Roi qu’avoit eue son oncle, l’évêque de Séez, avant que d’être évêque.

Il fut avec M. de La Tuillerie en Suède. Là, comme c’est un doucereux, il voulut, je pense, dire des fleurettes à la Reine, et il fit si bien qu’elle sut qu’il chantoit et jouoit du luth. Elle l’en pria un jour ; il fit bien des cérémonies ; enfin, il prit un luth, et badina tant avant que de chanter, que quand il voulut chanter tout de bon, la Reine, qui en étoit lasse, ne l’écouta point, ou ne l’écouta que par manière d’acquit. Au retour, comme la Reine lui demandoit des nouvelles de la reine de Suède, il dit qu’elle n’étoit pas laide, qu’elle pouvoit même passer pour agréable. « Mais, dit-il tout bas à la Reine en s’approchant familièrement de son oreille, elle a un peu la taille gâtée. » Quelqu’un dit en riant à M. le cardinal qui étoit là : « Votre Éminence n’a-t-elle point d’ombrage de ce galant homme ? Je m’offre pour votre second. »

Il ne manque pas d’esprit, mais il est ennuyeux en diable et plein de vanité. Par malheur pour lui, il y a un des principaux musiciens de la chapelle nommé aussi Bertaut[1]. Pour les distinguer, on appeloit celui-ci Bertaut l’incommode, et l’autre Bertaut l’incommodé, parce qu’il est châtré. On appeloit ainsi tous les châtrés de ces comédies en musique que le cardinal Mazarin faisoit jouer. Feu madame de Longueville s’avisa la première, ne voulant pas prononcer le mot de châtré, de dire cet incommodé, en montrant un châtré qui

  1. C’est Berthod, mais on prononce Bertaut. (T.)