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Rouen, qui étoit fort vieux, nommé Motteville[1]. Elle n’en eut point d’enfants et revint à la cour.

Lui et sa sœur Socratine étoient en nécessité quand quelqu’un dit au cardinal de Richelieu qu’il y avoit des enfants d’un frère de Bertaut qui étoient bien pauvres. Il les fit venir : la fille étoit fort jolie et avoit bien de l’esprit ; le garçon étoit passable. Ils jouèrent quelques scènes du Pastor fido, de fort bonne grâce. Le cardinal donna pension à la fille, et entretint le petit garçon au collége. Ce garçon eut assez d’industrie pour faire habiller un petit laquais, qu’il prit des livrées éminentissimes ; et quand on le rebutoit à la porte du cardinal, il faisoit passer son laquais devant. Cela plut au cardinal, auquel, par ce moyen, il fit fort sa cour ; et quoiqu’il eût découvert que leur mère étoit une mademoiselle Bertaut, qu’il avoit vue chez la Reine-mère, et qu’il haïssoit fort, il continua pourtant à leur faire du bien.

Après la mort du cardinal, au commencement de la régence, madame de Motteville, sa sœur, eut avis d’un prieuré qui vaquoit ; M. de Bassompierre l’avoit eu aussi. Elle le rencontre, comme il l’alloit demander à la Reine. Elle lui demanda, par hasard, quelle affaire l’amenoit ; il le lui dit. « Eh ! monsieur, dit-elle, je l’allois demander pour mon frère ; c’est si peu de chose, et il en a si grand besoin ! » Le maréchal répondit qu’il ne vouloit pas, sur ses vieux jours, être moins civil aux dames qu’en sa jeunesse, et il se retira. Ce prieuré étoit pourtant fort bon. On dit

  1. La véritable orthographe du nom est Mauteville ; voir précédemment tome I, p. 288, note 1.