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taisie de faire jouer le Prince déguisé[1] à des enfants. Bois-Robert en prit le soin. Il choisit, comme vous pouvez penser, cette petite Pascal ; il prit aussi une des petites Saintot, Socratine, et le petit Bertaut, son frère[2]. La représentation réussit ; mais la petite Pascal fit le mieux. Comme on la louoit, elle demande à descendre, et d’elle-même, sans en avoir rien dit à personne, elle se va jeter aux pieds de Son Éminence et lui récite en pleurant dix ou douze vers de sa façon, par lesquels elle demandoit le retour de son père. Le cardinal la baisa plusieurs fois, car elle étoit bellotte, la loua de sa piété, et lui dit : « Ma mignonne, écrivez à votre père qu’il revienne, je le servirai. » En effet, il le servit et le continua dix ans à l’intendance par moitié de Normandie, car il s’étoit défait de sa charge en faveur d’un de ses frères. Ils étoient tous d’Auvergne.

Sa fille fit d’autres vers, j’en ai quelques-uns[3].

  1. Une pièce de Scudéry. (T.)
  2. Le frère et la sœur de madame de Motteville. On l’appelle Socratine, à cause de sa sévérité. Elle est carmélite à cette heure. (T.)
  3. On lit dans Benserade des stances que mademoiselle Pascal fit à l’âge de treize ans pour une dame de ses amies, sous le nom d’Amaranthe, amoureuse de Thyrsis. Benserade y fit une réponse dans laquelle il suppose que mademoiselle Pascal s’est cachée sous le nom d’Amaranthe, et que Thyrsis n’est pas autre que lui-même. On y lit cette stance, où Benserade nous apprend l’âge que mademoiselle Pascal avoit alors :

    Qu’une fille à treize ans d’amour soupire et pleure,
      C’est souvent un défaut ;
    Mais pour une qui fait des vers de si bonne heure,
      C’est vivre comme il faut.

    (Œuvres de Benserade, 1698, in-8o, t. I, p. 49.)