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qui ne demandoit pas mieux que de faire claquer son fouet, composa la Défense de Voiture. D’abord Balzac, plein de lui-même, et persuadé de la déférence que Costar avoit pour lui, prit cet ouvrage pour une pièce à sa louange ; et comme on l’imprimoit, il écrivit à Conrart de corriger tels et tels endroits, où l’on y parloit de lui, afin qu’ils fussent mieux, et il les croyoit bien corrigés. On lui dit qu’il n’y avoit plus moyen, et que tout étoit tiré : après il se désabusa.

Non content d’avoir déjà, au sortir d’une grande maladie, envoyé, il y avoit quelque temps, à Notre-Dame des Ardillières, une lampe de cent écus, avec des vers latins gravés dessus, où son nom est en grosses lettres, il donna, un an au plus avant que de mourir, des preuves authentiques de sa vanité. Il écrivit à Conrart qu’il avoit deux mille livres à Paris, et qu’il en vouloit constituer une rente de cent francs, et instituer une espèce de jeux floraux de deux ans en deux ans, et que, pour cela, il donneroit dix thêmes sur lesquels on harangueroit ; que l’Académie délivreroit les deux cents livres à celui qui feroit le mieux. Ce sont matières de piété : par exemple, que la gloire appartient à Dieu seul, et que les hommes en sont les usurpateurs.

Patru et les plus sensés vouloient se moquer de cette fondation de bibus, car il y avoit un million de difficultés pour la sûreté, et aussi bien du chagrin à lire les compositions d’un tas de moines ; mais les cabaleurs Chapelain et Conrart l’emportèrent. Cela fut fait après la mort de Balzac.

Il fut six mois à se voir mourir tous les jours : il s’étoit fait transporter aux Capucins d’Angoulême ; il