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Quand le chevalier de Méré mena le maréchal de Clairambault voir Balzac à la campagne, cet auteur étoit dans le jardin ; le maréchal le trouva si extravagamment habillé qu’il le prit pour un fou, et il ne vouloit pas avancer ; le chevalier l’encouragea : il en fut après très-satisfait, et dit qu’il n’avoit jamais vu un homme de si agréable conversation.

Il fit, un peu après le voyage de Bordeaux, un poème latin de dévotion qu’il envoya à M. de Montausier, à Paris, et le pria de supplier M. de Grasse de le mettre en vers françois. Trois jours après, il écrivit au secrétaire de M. de Montausier qu’il le prioit de lui renvoyer cette lettre, qu’il y vouloit changer quelque chose ; après, il en envoya une autre où il ne parloit plus de M. de Grasse, et cela exprès, afin que cette lettre ne demeurât point, et qu’on crût que M. de Grasse avoit traduit ce poème de son propre mouvement, parce qu’il en avoit été charmé. Cette seconde lettre eut le loisir de venir avant que M. de Montausier eût écrit à M. de Grasse ; lui qui ne trouvoit pas la requête trop civile, envoya pour excuse à M. de Grasse la lettre de Balzac sans la relire, croyant que ce fut la même : cela fit un terrible galimatias.

Depuis, quand M. le Prince fût mis en liberté, il lui envoya une lettre latine imprimée, avec deux petites

    la main de Toulet, son copiste, de peur qu’elle ne fût perdue. Son libraire eut le soin de les faire rendre à M. Conrart. Après ces cinq copies il en envoya encore une, disant que M. Girard y avoit fait quelques changements. Il n’y avoit que deux syllabes de changées. (T.) — Cette lettre, monument de l’orgueil le plus extraordinaire, ne paroît pas avoir été imprimée : au moins n’en trouve-t-on aucune trace dans les Œuvres de Balzac. On sera peut-être parvenu à lui en faire sentir tout le ridicule.