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qu’elle le prioit de s’informer quels auteurs il falloit lire pour bien savoir notre langue, et que Balzac ne la contentoit point, qu’il n’étoit point naturel, qu’il étoit toujours guindé, et toujours dans la fleurette. Il le sut, et elle lui écrivit que ce qu’on avoit dit étoit faux. Cela est cause qu’il n’a pas changé dans l’Aristippe les louanges qu’il lui donnoit. Voici une lettre qu’il écrivit à M. Conrart sur le séjour de la cour à Bordeaux, sous le nom du même M. Girard[1] dont nous avons déjà parlé. Ce que je mettrai à côté est ce que m’a dit M. le marquis de Montausier, témoin oculaire.

  « Monsieur,

« À moins que d’avoir à vous donner des nouvelles de M. de Balzac, je n’aurois pas rompu mon silence ni violé le respect que je vous dois. Ce n’est pas que je ne sache combien il y a d’honneur à recevoir de vos lettres, et combien les honnêtes gens se glorifient d’en être favorisés ; mais j’ai encore plus de considération pour vous que je n’en ai pour moi-même, et quoique je ne sois pas insensible à mon propre bien, j’aurois mieux aimé m’en priver que de vous être importun, en exigeant de vous pour une mauvaise lettre quelqu’une de vos belles réponses. Voilà, monsieur, comme j’en eusse usé, si la discrétion de votre ami n’eût fait violence à la mienne : elle m’oblige à vous dire de lui ce qu’il a omis, sans doute, dans la dernière lettre qu’il vous a écrite.

  1. Guillaume Girard, archidiacre d’Angoulême, avoit été secrétaire du duc d’Épernon. Il a laissé une vie de son maître, imprimée à Paris en 1655 en un volume in-folio, et en 1663 en trois volumes in-douze. Elle est, comme elle devoit être, toute favorable au duc d’Épernon.